– Intervention lors de l’Université d’Été d’E5T à La Rochelle du 29 au 31 août 2023 

Jean Michel Nogueroles, Avocat-Abogado-Solicitor.

Préparer sa succession

Le Green Deal et l’émission d’obligations vertes

L’accord dit de « Green Deal » européen du 11 décembre 2019 a souligné la nécessité de mieux orienter les flux financiers et de capitaux vers les investissements verts. L’objectif est de faciliter le financement de la croissance durable et de la transition vers une économie neutre pour le climat et efficace dans l’utilisation des ressources.

Le plan d’investissement européen dans le cadre du Green Deal adopté le 14 janvier 2020 a prévu que la Commission établirait un standard européenne pour les obligations vertes (EUGBS).

Le 6 juillet 2021, la Commission européenne a rendu publique sa nouvelle stratégie dédiée de promotion de la finance durable.

L’Union européenne souhaite pour ce faire devenir un acteur de premier plan sur le marché international des obligations vertes. Le standard européen comprend quatre exigences :

  • les obligations devront porter sur une des activités énumérées par le règlement européen (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 ;
  • les émetteurs devront agir avec transparence en publiant des reportings (rapports réguliers) ;
  • les émissions seront contrôlées par des examinateurs indépendants
  • qui seront obligatoirement enregistrés auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers.

Le règlement du 18 juin 2020 détermine six objectifs environnementaux (art. 9) dont deux consacrés au réchauffement climatique.

Chacun de ces objectifs est décliné sous la forme d’une liste d’activités permettant de les réaliser.

En outre, l’Union européenne souhaite devenir un acteur de premier plan sur le marché internationales des obligations vertes. Elle possède quelques grandes places boursières comme Amsterdam ou le Luxembourg, plus spécialisées dans la finance verte.

Un accord sur un « European Green Bonds standard » a en outre été conclu entre le Parlement et le Conseil de l’UE le 28 février 2023.

Plusieurs raisons expliquent l’intérêt de l’Union Européenne pour les obligations vertes :

  • l’UE – par l’intermédiaire de la Commission – entend favoriser le développement des technologies vertes, notamment celles qui permettraient de réduire les émissions de CO2 et, le cas échéant, de réduire sa dépendance énergétique externe.

Pour cela, il faut faciliter l’accès à des ressources financières importantes. Sur les 750 milliards d’euros à emprunter dans le cadre du plan de relance (post crise sanitaire) pour l’Europe, un objectif de plus de 33% a été fixé s’agissant d’obligations vertes à émettre.

L’Union européenne a décidé dans ce cadre d’émettre un tout premier emprunt obligataire « vert », en levant 12 milliards d’euros au mois d’octobre 2021

L’Union européenne souhaite devenir le premier émetteur de « green bonds » dans le monde.

Dans le cadre de son plan de relance , la Commission européenne a en effet prévu l’émission de 200 à 250 milliards d’obligations vertes au cours des prochaines années,

Au mois de janvier 2023, les émissions de green bonds émises dans le monde représentaient environ 2.500 milliards de dollars

 

La politique d’assouplissement quantitatif de la BCE (2015 – 2021) a ouvert la voie au financement monétaire des obligations vertes par voie de rachat sur le marché secondaire

Le programme d’assouplissement quantitatif mis en œuvre par la BCE (qui a entraîné la création d’une masse monétaire additionnelle d’environ 2.600 milliards d’euros) entre 2015 et 2020 a créé une « fenêtre d’opportunité » (expression du professeur De Grauwe – London School of Economics)

La BCE pourrait refinancer, le cas échéant, encore plus massivement, la BEI ou toute autre institution financière dédiée au financement durable, en rachetant substantiellement de manière planifiée les obligations « vertes » que cette dernière pourrait émettre de manière dédiée au cours des 10 ou 15 prochaines années ?

Madame Christine Lagarde (2019), lors de son audition par le Parlement européen en septembre 2019 (en vue de faire ratifier sa désignation), avait reconnu que la BCE procédait au rachat des obligations vertes émises par la Banque européenne d’investissement (BEI) :

“La BEI est déjà un émetteur important d’obligations vertes. Et je crois comprendre que la BCE, sur le marché secondaire, achète également certains de ces produits”.

Avant Christine Lagarde, Benoit Cœuré, (2019 – membre du Comité exécutif de la BCE jusqu’en janvier 2020) avait défendu cette idée, notamment lors d’un échange avec des députés français, à l’Assemblée nationale, le 15 mai 2019 :

“Si la priorité politique est le changement climatique, les gouvernements peuvent décider de demander à la BEI d’en faire plus pour le climat. Et [la BEI] pourrait le faire parce que les taux d’intérêt sont à zéro et parce que la BCE achète des obligations de la BEI.

Ainsi, de manière indirecte, à travers la politique monétaire, nous avons créé un environnement très favorable à l’investissement à long terme”.

De nouvelles voies possibles : un Plan Marshall en vue de la réalisation d’investissements massifs qui seraient financés selon un mode mixte « monétaire / fonds propres » aux fins de l’accélération de la transition écologique

Il pourrait être décidé, au niveau européen, en vue d’accélérer la transition écologique, de la mise en œuvre d’un Plan Marshall permettant de réaliser des investissements massifs sur 10 ans, qui seraient financés selon un mode mixte monétaire/fonds propres, à la fois :

 

  • par une création monétaire en amont : la BCE rachetant des obligations « vertes » émises par la BEI (ou toute autre institution financière dédiée au financement d’un tel plan) ; Et
  • par un apport de capitaux propres en aval : la BEI (ou l’institution financière dédiée) apportant des capitaux propres aux sociétés portant les projets susceptibles d’être financés.

L’accélération des investissements nécessaires à la transition écologique et énergétique pourrait être financée grâce à ce schéma de refinancement mixte monétaire/capitaux propres.
Ces investissements pourraient être en partie financés en fonds propres (ou quasi fonds propres) par la BEI directement, ou par des fonds d’investissements affiliés dédiés :

  • en association avec des investisseurs du secteur des entreprises (petites, moyennes ou grandes entreprises – selon le type d’investissements),
  • conformément à des accords de partenariat public-privé, en vertu desquels la BEI agira en tant qu’actionnaire minoritaire (avec sortie planifie comme un fonds de private equity) dans le capital des sociétés projets portant les investissements verts financés.

L’Afrique compte environ 1,3 milliard d’habitants en 2019. Selon les prévisions de l’ONU, l’évolution démographique africaine sera de plus de 90% : le continent devrait compter environ 2,5 milliards d’habitants à l’horizon 2050 et l’ONU prévoit également qu’il comptera plus de 4 milliards d’habitants en 2100.

Tout l’enjeu planétaire et européen, est de s’assurer que cette croissance démographique, sans précédent, soit accompagnée d’une croissance économique durable, au moins équivalente sinon supérieure, afin qu’elle soit inclusive tout en préservant l’équilibre écologique planétaire.

A noter qu’il conviendrait également d’anticiper un risque écologique accru dans certaines zones – pouvant entraîner la désertification ou l’inondation de certaines zones, ce qui provoquerait des mouvements de populations désœuvrées et sans nul doute de nouveaux conflits (pour le contrôle de l’eau ou d’autres ressources).

Retrouvez l’intervention de Jean Michel Nogueroles en vidéo